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Il était une fois un militaire qui revenait du service. Passant un jour devant un château, il frappa pour demander à boire, car il avait grand’soif. Un lion vint lui ouvrir : dans ce temps-là les lions faisaient l’office de domestiques. Le maître et la maîtresse du château étaient sortis. Le militaire pria le lion de lui donner un verre d’eau. « Militaire, répondit le lion, je ne te donnerai pas de l’eau ; tu boiras du vin avec moi. » L’autre ne se le fit pas dire deux fois. Ils burent ensemble quelques bouteilles, puis le lion dit au militaire : « Militaire, veux-tu jouer avec moi une partie de piquet ? je sais que les militaires jouent à ce jeu quand ils n’ont rien à faire. Ils jouèrent sept ou huit parties. Le lion, qui perdait toujours, était furieux. Il laissa tomber à dessein une carte et demanda au militaire de la lui ramasser ; mais celui-ci, voyant bien que le lion n’attendait que le moment où il se baisserait pour se jeter sur lui, ne bougea pas et lui dit : « Je ne suis pas ton domestique, tu peux la ramasser toi- même. Cependant, comme je m’aperçois que tu es un peu en colère, nous allons jouer à un autre jeu. Apporte-moi une poulie, une corde et une planche. » Le lion alla chercher tout ce qu’il demandait ; le militaire fit une balançoire et y monta le premier. À peine s’était-il balancé quelques instants, que le lion lui cria : « Descends, militaire, descends donc, c’est mon tour. Enfin le militaire se décida à descendre; il aida le lion à monter sur la balançoire et lui dit : « Lion, comme tu ne connais pas ce jeu, je crains que tu ne tombes et que tu ne te casses les reins. Je vais t’attacher par les pattes. » Il l’attacha en effet, et, du premier coup, il le lança au plafond. « Ah ! militaire, militaire, descends-moi, criait le lion, j’en ai assez. Le lion poussait des cris affreux qu’on entendait de trois lieues. Les maîtres du château, qui étaient au bois, se hâtèrent de revenir. Après avoir cherché partout, ils finirent par découvrir le lion suspendu en l’air sur la balançoire. « Eh ! lion, lui dirent-ils, que fais-tu là ? – Ah ! ne m’en parlez pas ! c’est un méchant petit crapaud de militaire qui m’a mis où vous voyez. – Si nous te descendons, que lui feras-tu ? – Je courrai après lui, et si je l’attrape, je le tue et je le mange. » Cependant le militaire continuait à marcher ; il rencontra un loup qui fendait du bois. « Loup, lui dit-il, ce n’est pas ainsi qu’on s’y prend. Donne- moi ton merlin, et puis mets ta patte dans la fente pour servir de coin. » Le loup n’eut pas plutôt mis sa patte dans la fente, que le militaire retira le merlin, et la patte se trouva prise. « Militaire, militaire, dégage-moi donc la patte. Le lion, qui était à la poursuite du militaire, accourut aux hurlements du loup. « Qu’as-tu donc, loup ? lui dit-il. Le lion dégagea la patte du loup et ils coururent ensemble après le militaire. Mais celui-ci avait déjà gagné du terrain ; il avait fait rencontre d’un renard qui était au pied d’un arbre, le nez en l’air. En disant ces mots, il prit un bâton bien aiguisé, l’enfonça dans le corps du renard, puis l’ayant élevé à six pieds de terre, il ficha le bâton sur l’arbre et laissa le renard embroché. « Ah ! militaire, militaire, descends-moi donc, criait le renard. Le renard poussait des cris lamentables, qui attirèrent de son côté le lion et le loup. « Que fais-tu là, renard ? lui dirent-ils. Le militaire, ayant continué sa route, rencontra une jeune fille. « Mademoiselle, lui dit-il, il y a derrière nous trois bêtes féroces qui vont nous dévorer : voulez-vous suivre mon conseil ? faisons une balançoire. » La jeune fille y consentit, et le jeu était en train quand le lion, qui était en avance sur ses compagnons, arriva. « Quoi ? dit-il, encore le même jeu ! sauvons- nous. » Ensuite le militaire se mit à fendre du bois. Le loup, étant survenu, s’écria : « C’est donc toujours la même chose ! » Et il détala. Ainsi fit le renard. Le militaire ramena la jeune fille chez ses parents, qui furent bien joyeux d’apprendre qu’elle avait échappé à un si grand péril. Ils firent mille remerciements au militaire et lui donnèrent leur fille en mariage. Source : Contes populaires lorrains recueillis dans un village du Barrois, à Montiers-sur-Saulx (Meuse). Avec des remarques par Emmanuel Cosquin, Nogent-le-Rotrou, 1876. |
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