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Au temps heureux où les plus grands saints du paradis se plaisaient encore à visiter la Basse- Bretagne, saint Thomas et saint Jean voyageaient un jour du côté de Botmeur. Il faisait grand chaud, et la montagne, comme vous savez, n’est pas aisée à gravir sous le soleil. – Je suis bien fatigué, dit saint Jean, le plus jeune des deux : j’ai soif et je ne vois ni fontaine ni métairie de ce côté. – J’ai pourtant bien soif, reprit saint Jean. Un peu plus loin, ils aperçurent une pauvre hutte à quelques pas de la route. Et ils entrèrent dans la cabane. – Bonjour à vous, bonne femme, voulez-vous nous donner un verre d’eau à boire ? Et les deux saints burent de la piquette... Elle était si mauvaise que saint Jean (j’ose à peine parler ainsi), saint Jean en fit la grimace. – Oui, elle est un peu aigre, murmura la pauvresse. Ah ! si c’était seulement de bon cidre !... Mais cela n’est pas possible. Non, il n’y aura jamais ici ni cidre ni vin. Thomas versa quelques gouttes de liquide dans le pichet et dans unebuieoù il y avait de l’eau trouble, et les deux saints s’éloignèrent. – Bénédiction ! dit aussitôt la bonne femme en goûtant à son tour : c’est du vin, et du bon, qu’il y a maintenant plein le pichet et la grande buie... Si je versais dans la barrique ce qui reste au fond du verre, nous aurions du vin, je pense, assez pour nous régaler longtemps. Et elle fit comme elle disait. Mais il arriva que la barrique ne contenait plus que de l’eau trouble au lieu de piquette, de même que la cruche et le pichet. La malheureuse allait peut-être courir après les voyageurs et implorer leur secours, en avouant ce qu’elle avait fait, quand son mari rentra ; mais ils ne surent que se quereller au lieu de s’en remettre à la bonté de Dieu, en sorte que l’eau sale demeura dans la buie et dans le baril, comme le trouble dans le ménage. Les deux saints continuèrent leur route. À l’entrée d’un village, ils furent émus par des gémissements qui sortaient d’une chaumière. Ils s’y rendirent aussitôt, se disant qu’il devait y avoir quelque douleur à soulager. Une femme en larmes tenait sur ses genoux un petit enfant moribond. Il était pâle à faire peur, et en outre louche et contrefait à désespérer. – Qu’a donc votre enfant ? dit l’un des voyageurs. Elle toucha les yeux du petit avec la croix. Malheur ! l’enfant, devenu aveugle, alla se frapper la tête contre le mur et tomba comme mort sur la place. La mère, folle de douleur, s’élança du côté où les voyageurs avaient passé, et, se jetant à leurs genoux, elle leur avoua sa faute. – Relevez-vous, lui dirent les saints, et sachez vous conformer à la volonté du Créateur. La pauvre femme aperçut aussitôt son cher enfant qui courait à sa rencontre. Il était droit comme vous, mais ses yeux étaient toujours de travers, parce que Dieu, qui donne tant de grâces, veut que nous sachions du moins modérer nos désirs. L’Angélussonnait en ce moment au bourg voisin. Nos voyageurs avaient fait une longue étape depuis le matin. En passant par le hameau, ils virent une maison de bonne apparence dont la porte était entrouverte. Une excellente odeur de bouillie d’avoine vint leur rappeler qu’ils n’avaient pas dîné et exciter leur appétit. Une douzaine de personnes se trouvaient réunies dans la maison à propos de fiançailles. Les deux saints entrèrent en souhaitant bonheur et santé aux bons chrétiens qui devaient se trouver là. – Merci, dit la fermière... car pour bons chrétiens nous le sommes tous et le serons toujours. Comme elle achevait ces paroles, la fermière poussa un cri. Le chaudron venait de se fendre par la moitié, si bien que toute la bouillie s’était répandue sur le foyer et sur les pieds de cette femme, qui poussait des cris pitoyables. – Eh bien ! dit le bon saint, m’appellerez-vous encore Thomas par ironie ?... Oh ! n’oubliez jamais, vous tous, que l’on n’est assuré de sa part que quand on l’a mangée...avec la permission du bon Dieu. Depuis ce temps, les vrais Bretons, et je pense, les chrétiens de tous pays, ne manquent guère de dire :selon la volonté, ou :avec la permission de notre Sauveur... Et ils agissent bien, car dire :s’il plaît à Dieu, et méditer une mauvaise action, serait le comble de l’hypocrisie. |
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Biographie et autres contes de Ernest du Laurens de la Barre. Pays : France | Corriger le pays de ce conte.Mots-clés : aveugle | bouillie | cabane | chaudron | croix | enfant | fermière | misère | piquette | saint Jean | saint Thomas | vin | Retirer ou Proposer un mot-clé pour ce conte. Proposer un thème pour ce conte. Signaler que ce conte n'est pas dans le domaine public et est protégé par des droits d'auteurs. © Tous les contes | Hébergé par le RCQ.
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