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Synopsis du conte... || Ce conte fait ± 6½ pages (16206 caractères)
Pays ou culture du conte : Allemagne.

Recueil : Contes de l'enfance et du foyer

KHM 015 - Jeannot et Margot (Hänsel und Grethel)

Wilhelm et Jacob Grimm (1785-1863)

Il y avait une fois un pauvre bûcheron qui demeurait au coin d’un bois avec sa femme et ses deux enfants : un garçon qui s’appelait Hänsel et une fille du nom de Grethel.

Ils avaient peu de chose à se mettre sous la dent, et une année qu’il vint une grande cherté de vivres il fut impossible à l’homme de gagner le pain quotidien.

Une nuit qu’il se tournait et se retournait dans son lit sous le poids des tourments, il dit à sa femme :

— Qu’allons-nous devenir ? Comment nourrir nos pauvres enfants, lorsque nous n’avons plus rien pour nous-mêmes ?
— Sais-tu, mon homme, ce qu’il faut faire ? répondit la femme. Demain, à la première heure, nous conduirons nos enfants dans la forêt, là où elle est la plus épaisse. Nous leur ferons du feu et nous donnerons à chacun un morceau de pain. Nous retournerons ensuite à notre travail, et les laisserons tout seuls. Ils ne retrouveront pas le chemin de la maison et nous en serons débarrassés. 
— Non, femme, je ne ferai pas cela. Je n’aurai jamais le cœur de laisser mes enfants seuls dans le bois : les bêtes sauvages les auraient bientôt dévorés.

— Idiot ! répliqua la femme. En ce cas nous mourrons de faim tous les quatre. Tu peux raboter les planches pour les cercueils !

Et elle ne lui laissa point de repos qu’il n’eût consenti. « Ces pauvres enfants me font pitié tout de même », disait l’homme à part lui.

Tourmentés par la faim, les deux enfants ne pouvaient s’endormir : ils avaient entendu ce que la belle-mère disait à leur père. Grethel pleurait amèrement. Elle dit à Hänsel :

— C’est fait de nous !
— Tais-toi, répondit Hänsel. Ne te chagrine pas : je saurai nous tirer de là.

Et lorsque les vieux furent endormis, il se leva, mit sa petite veste, ouvrit le bas de la porte et se glissa dehors.

La lune était claire et luisante devant la maison, les cailloux blancs brillaient comme des pièces d’argent. Hänsel se baissa et en emplit ses poches, ensuite il revint et dit à Grethel :

— Console-toi, chère petite sœur, et dors en paix : Dieu ne nous abandonnera pas.

Et il se recoucha dans son lit. Au point du jour, avant le lever du soleil, la femme vint réveiller les deux enfants. 

— Levez-vous, paresseux, dit-elle : nous allons fagoter dans la forêt.

Alors elle donna à chacun un petit morceau de pain et dit :

— Voilà votre déjeuner, mais ne le mangez pas tout de suite, car vous n’aurez rien de plus.

Comme Hänsel avait ses poches pleines de cailloux, Grethel mit le pain dans son tablier ; après quoi ils prirent tous le chemin de la forêt.

Quand ils eurent marché un instant, Hänsel s’arrêta et jeta un regard en arrière sur la maison ; il répéta plusieurs fois ce mouvement.

— Qu’est-ce que tu regardes ? lui dit le père, et pourquoi restes-tu en arrière ? Prends garde et ne laisse pas traîner tes jambes.
— Oh ! père, répondit Hänsel. Je regarde mon petit chat blanc qui est posé au haut du toit et qui veut me dire adieu.
— Nigaud ! répliqua la femme. Ce n’est point ton petit chat, c’est le soleil du matin qui brille sur la cheminée.

Hänsel ne regardait pas son petit chat, mais il laissait tomber un petit caillou blanc de sa poche sur le chemin. Quand ils furent arrivés au milieu de la forêt, le père dit :

— Mes enfants, ramassez du bois, je vais allumer du feu pour que vous n’ayez pas froid.

Hänsel et Grethel en eurent bientôt ramassé un petit tas. Quand les ramilles furent allumées et que la flamme s’éleva très-haut, la femme dit :

— Mes enfants, couchez-vous près du feu et reposez-vous. Nous allons couper du bois. Quand nous aurons fini, nous viendrons vous reprendre.

Hänsel et Grethel s’assirent près du feu et, lorsqu’il fut midi, ils mangèrent chacun leur morceau de pain. Comme ils entendaient les coups de hache, ils croyaient que leur père travaillait dans le voisinage. Mais ce n’était pas le bruit de la hache qu’ils entendaient, c’était celui d’une branche que leurs père et mère avaient attachée à un arbre mort et qui le frappait sous l’effort du vent.

À force de rester assis à la même place, ils fermèrent les yeux de fatigue et s’endormirent. Quand ils se réveillèrent, il faisait nuit noire. Grethel se mit à pleurer et dit :

— Comment allons-nous sortir de la forêt ?

Hänsel la consola.

— Attends un petit moment que la lune soit levée, nous trouverons bien le chemin.

Et quand la pleine lune fut levée, Hänsel prit sa sœur par la main et il suivit les petits cailloux qui brillaient comme des pièces d’argent toutes neuves et leur montraient la route.

Ils marchèrent toute la nuit et, au point du jour, ils arrivèrent à la maison paternelle. Ils heurtèrent à la porte. La femme ouvrit et, en voyant que c’était Hänsel et Grethel, elle s’écria :

— Mauvais enfants, pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la forêt ? Nous avons cru que vous ne vouliez plus revenir.

Le père, lui, était enchanté, car il avait le cœur gros de les avoir abandonnés.

Peu après, ils manquèrent encore de tout, et, la nuit, les enfants entendirent la mère qui disait dans le lit au père :

— Voilà qu’encore une fois tout est mangé : nous n’avons plus que la moitié d’un pain et après ce sera fini de rire. Il faut nous débarrasser des enfants. Nous allons les mener plus au fond dans la forêt pour qu’ils ne retrouvent jamais la route. Sans cela nous sommes perdus.

L’homme avait le cœur serré : il pensait qu’il valait mieux partager le dernier morceau avec ses enfants ; mais loin de l’écouter, la femme l’injuriait et l’accablait de reproches.

Quand on a dit A, il faut dire B, et, parce qu’il avait cédé la première fois, il fallait bien qu’il cédât la seconde. Les enfants étaient encore éveillés et avaient entendu cette conversation.

Lorsque les vieux furent endormis, Hänsel se leva et voulut sortir pour ramasser de petits cailloux comme auparavant. Par malheur, la femme avait fermé la porte et Hänsel ne pouvait pas sortir. Il consolait sa petite sœur et lui disait :

— Ne pleure pas, Grethel, et dors tranquille : le bon Dieu nous aidera.

Le matin, de bonne heure, la femme arriva et fit lever les enfants. Ils reçurent leur petit morceau de pain, qui était plus petit encore que la première fois. En marchant vers la forêt, Hänsel émietta le pain dans sa poche et souvent il s’arrêta pour jeter les miettes à terre.

— Hänsel, pourquoi t’arrêtes-tu et regardes-tu derrière toi ? disait le père ; continue ton chemin.
— Je regarde mon petit pigeon qui est posé sur le toit et qui veut me dire adieu, disait Hänsel.
— Nigaud ! répondait la femme. Ce n’est pas ton petit pigeon, c’est le soleil du matin qui brille sur la cheminée.

Hänsel jeta toujours son pain petit à petit sur le chemin. La femme mena ses enfants si avant dans la forêt, que de leur vie ils n’avaient pénétré jusque-là. On y alluma encore un grand feu, et la mère dit :

— Mes enfants, restez là assis, et, quand vous serez fatigués, vous pourrez dormir un peu. Nous allons plus loin couper du bois, et, le soir, sitôt que nous aurons fini, nous viendrons vous reprendre.

Lorsqu’il fut midi, Grethel partagea son petit morceau de pain avec Hänsel, qui avait semé le sien le long de la route. Ils s’endormirent ensuite, le soir arriva et personne ne vint chercher les pauvres enfants. Ils se réveillèrent au milieu des ténèbres de la nuit, et Hänsel consola sa petite sœur en disant :

— Attends, Grethel, que la lune se lève. Nous pourrons voir alors les miettes de pain que j’ai semées et qui nous indiqueront le chemin de la maison.

Quand la lune brilla, ils se mirent en route, mais ils ne trouvèrent plus une seule miette. Elles avaient été mangées par les milliers d’oiseaux qui voltigeaient dans la forêt et dans les champs. Hänsel dit à Grethel :

— Nous trouverons bien le chemin.

Mais ils ne le trouvaient pas.

Ils marchèrent toute la nuit et la journée suivante, du matin au soir, sans sortir de la forêt. Ils avaient grand’faim, car ils ne vivaient que de prunelles, et, comme ils étaient si fatigués que leurs jambes ne voulaient plus les porter, ils se couchèrent sous un arbre et s’endormirent.

Le lendemain matin, il y avait trois jours qu’ils étaient sortis de la maison paternelle. Ils recommencèrent à marcher, mais ils ne faisaient que s’enfoncer de plus en plus dans la forêt. S’il ne leur arrivait bientôt du secours, ils ne pouvaient manquer de périr. 

Quand vint midi, ils virent un joli petit oiseau, blanc comme neige, perché sur une branche et qui chantait si bien qu’ils s’arrêtèrent pour l’écouter. Son chant fini, il battit des ailes et voltigea devant eux. Ils le suivirent et bientôt ils le virent se poser sur le toit d’une petite maison.

Ils s’approchèrent et reconnurent que cette maisonnette était faite de pain et couverte en gâteau. Les fenêtres étaient de sucre transparent.

— Nous allons, dit Hänsel, dîner comme en paradis. Moi, je vais manger un morceau de la toiture, et toi, Grethel, tu mangeras un morceau de la fenêtre : c’est plus sucré.

Hänsel leva la main et cassa un morceau du toit pour le goûter ; Grethel s’approcha de la fenêtre et frappa dessus à petits coups. Alors il sortit de la chambre une petite voix grêle.

— Qui frappe, qui frappe, qui frappe ?
Qui frappe à ma petite maison ?

Les enfants répondirent :

— Le vent, le vent,
L’enfant de Dieu !

Ils continuèrent à manger comme si de rien n’était. Hänsel, qui trouvait le toit à son goût, en arracha un grand morceau, et Grethel cassa tout un carreau de vitre. Ils s’assirent et se régalèrent.

Soudain la porte s’ouvrit et il apparut une fort vieille femme qui s’appuyait sur une béquille. Hänsel et Grethel furent saisis d’un tel effroi, qu’ils laissèrent choir ce qu’ils tenaient à la main. La vieille branla la tête et dit :

— Ah ! mes chers enfants, qui vous a amenés ici ? Entrez et restez avec nous : il ne vous arrivera aucun mal.

Elle les prit tous les deux par la main et les introduisit dans sa petite maison. On leur servit un bon repas, qui se composait de lait, de crêpes sucrées, de pommes et de noisettes ; puis on leur apprêta deux jolis petits lits couverts de draps blancs. Hänsel et Grethel se couchèrent, croyant être dans le ciel.

La vieille qui les traitait si bien était une méchante sorcière. C’est dans le but d’attirer les enfants qu’elle avait fait construire en pain cette maisonnette. Lorsqu’un enfant tombait en son pouvoir, elle le tuait, le faisait bouillir, le mangeait, et c’était pour elle un grand régal.

Les sorcières ont les yeux rouges et la vue courte, mais elles ont le nez fin comme les animaux et sentent l’approche des hommes. Quand Hänsel et Grethel s’avançaient vers la maison, la sorcière riait d’un mauvais rire : « Je les tiens, se disait-elle, ils ne peuvent m’échapper. »

Le matin, de bonne heure, avant que les enfants fussent réveillés, elle se leva ; tandis qu’ils reposaient si gentiment, avec leurs joues pleines et roses, elle se disait tout bas : « Cela va me faire un repas succulent. »

De sa main sèche elle saisit Hänsel, le porta dans une petite écurie et l’y enferma. Il eut beau crier, rien n’y fit. Elle s’approcha ensuite de Grethel et la secoua pour la réveiller.

— Lève-toi, paresseuse ; va chercher de l’eau et fais une bonne soupe pour ton frère. Je l’ai mis à l’écurie pour l’engraisser. Quand il sera à point, je le mangerai.

Grethel pleura amèrement, mais ce fut en vain il fallut obéir à la sorcière. On servait à Hänsel les meilleurs repas et à Grethel on ne donnait que des têtes d’écrevisse. Tous les matins, la vieille allait à la petite écurie et criait :

— Hänsel, montre tes doigts que je juge si tu es bientôt assez gras.

Hänsel lui montrait un petit os ; la vieille, à cause de sa mauvaise vue, ne s’apercevait pas du tour et prenait l’os pour le doigt d’Hänsel. Elle s’étonnait qu’il n’engraissât point davantage.

Au bout de quatre semaines, comme Hänsel restait toujours maigre, elle perdit patience et ne voulut pas attendre plus longtemps.

— Hé ! Grethel, criait-elle à la petite fille. Dépêche-toi d’apporter de l’eau. Qu’Hänsel soit gras ou maigre, je veux demain l’égorger et le faire cuire. 

La pauvre fille pleurait d’être forcée d’aller querir de l’eau. Les larmes coulaient le long de ses joues, et elle s’écriait :

— Mon Dieu, venez à mon aide. Si les bêtes féroces nous avaient mangés dans la forêt, du moins nous serions morts ensemble.
— Cesse de gémir, disait la vieille : cela ne t’avance à rien.

Le matin, de bonne heure, il fallut que Grethel : remplît d’eau la marmite et la mît sur le feu.

— Avant tout, nous allons faire cuire le pain, dit la vieille. J’ai chauffé le four et préparé la pâte.

Et elle poussa dehors la pauvre Grethel vers le four d’où sortaient des flammes.

— Grimpe dedans, disait-elle, et vois si le four est bien chaud, pour que nous puissions y mettre le pain.

Une fois Grethel dedans, la sorcière voulait fermer le four, afin que l’enfant y rôtît et qu’elle pût la manger. Mais Grethel se douta de son dessein.

— Je ne sais, dit-elle, comment faire pour y entrer.
— Petite buse ! répondit la vieille. Tu vois bien que l’ouverture est assez grande : je pourrais y entrer moi-même.

Et elle tournait autour du four et y avançait sa tête. Grethel lui donna une si forte poussée qu’elle l’y enfonça tout au fond. Elle ferma aussitôt la porte de fer et y mit le verrou. La vieille hurla effroyablement, mais Grethel s’enfuit et la sorcière fut brûlée vive.

La petite fille courut droit à l’écurie, en ouvrit la porte et cria :

— Hänsel, nous sommes délivrés ! la vieille sorcière est morte.

Hänsel sauta dehors aussi vite qu’un oiseau, quand on ouvre la porte de sa cage.

Ce fut une grande joie : les deux enfants se jetèrent au cou l’un de l’autre et s’embrassèrent tendrement. Comme ils n’avaient plus peur, ils parcoururent la maison de la sorcière. Ils trouvèrent dans tous les coins des caisses remplies de perles et de pierreries.

— Cela vaut mieux que les petits cailloux, disait Hänsel, et il en bourrait ses poches.
— Moi aussi, disait Grethel, je veux rapporter quelque chose à la maison, et elle emplissait son tablier.
— Et maintenant, dit Hänsel, nous allons voir à sortir de cette forêt de sorcières.

Quand ils eurent marché durant quelques heures, ils arrivèrent à un grand lac.

— Nous ne pourrons le traverser, dit Hänsel : je ne vois ni pont ni passerelle.
— Il n’y a pas de barque, reprit Grethel ; mais tout là-bas nage un canard blanc. Si je le priais de nous passer ?… 

Alors elle cria :

— Canard, canard, voici Grethel et Hänsel ; pas de pont, pas de passerelle ; prends-nous sur ton dos blanc.

Le canard s’approcha : Hänsel s’assit dessus et dit à sa sœur d’en faire autant.

— Non, répondit Grethel, ce sera trop lourd pour le canard. Il nous prendra l’un après l’autre.

Le petit animal le fit. Lorsqu’ils furent arrivés de l’autre côté, il leur sembla qu’ils reconnaissaient l’endroit, et tout à coup ils virent au loin la maison paternelle. Ils se mirent alors à courir ; ils se précipitèrent dans la chambre et sautèrent au cou de leur père.

Cet homme n’avait pas eu une heure de repos depuis qu’il avait abandonné ses enfants dans la forêt ; sa femme d’ailleurs était morte. Grethel vida son tablier : les perles et les pierres précieuses roulèrent par la chambre, et Hänsel en jeta de sa poche à pleines poignées. Dès lors, on n’eut plus de soucis et on vécut en grande joie tous ensemble.

Mon conte est fini,
Là court une souris,
Qui l’attrape s’en peut faire un bonnet à poil.
 

Conte tiré de Les Contes de ma mère l’Oye avant Perrault de Charles Deulin.

* Ce conte est dans le domaine public au Canada, mais il se peut qu'il soit encore soumis aux droits d'auteurs dans certains pays ; l'utilisation que vous en faites est sous votre responsabilité. Dans le doute ? Consultez la fiche des auteurs pour connaître les dates de (naissance-décès).

- FIN -

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